Quand la musique gâche un film

 In Cinéphagie

La musique entretient un rapport ténu avec le cinéma. Qu’elle soit composée pour le film, venant de l’extérieur ou surgissant de l’intérieur du film lui-même, elle peut créer un univers, soutenir un scénario ou au contraire le gâcher. Parfois, certains réalisateurs choisissent de ne pas intégrer de musique du tout. Le film qui nous intéresse aujourd’hui est Dark Water d’Hideo Nakata, le célèbre réalisateur japonais de films d’horreur et thrillers.

affiche dark water japonaiseUn film d’horreur japonais

Nous passons un bon moment en découvrant Dark Water. Le cinéaste explore avec talent les histoires de fantômes si chères aux Japonais. Quartiers glauques, immeubles quasi vides, béton taché des corridors interminables et humidité latente à tous les étages. Des spectres peuplent les vidéos de surveillance et viennent titiller les habitants dans l’ascenseur. La pression sociale qui pèse sur les épaules des protagonistes déborde des cadres. Au fil du film, on se sent proche de Yoshimi Matsubara, mère luttant pour la garde de sa fille. Elle se bat avec l’énergie du désespoir dans un contexte patriarcal étouffant, contre un ex-mari prêt à toutes les bassesses pour obtenir la garde exclusive de leur fille alors même qu’il ne s’en était jamais soucié.

Au climax surgit Kenji Kawai

Minute après minute, l’angoisse gagne le spectateur. L’histoire oscille entre drame intimiste et film d’angoisse. Les gros plans sur l’humidité et les réapparitions d’objets ayant appartenu à une enfant disparue font leur effet de sape. Les teintes vertes de certains plans d’intérieur mettent le spectateur mal à l’aise. Le Tsuyu, la saison des pluies japonaise, renforce l’effet de pesanteur qui règne tout au long du film. Au moment fort, quelques minutes avant la fin, un basculement esthétique fait chavirer le spectateur. Si jusque-là Dark Water baignait dans un univers sonore uniquement peuplé de dialogues et de bruitages, la musique signée Kenji Kawai fait son apparition à la 81e minute. Un manteau de sirop synthétique s’abat sur le film, fait de cordes électroniques et de boîte à rythmes. Après un heurt comme ça, autant dire qu’il n’est plus possible d’adhérer au dénouement : le spectateur est pour ainsi dire mis à la porte. Pour couronner le tout, le générique remet le couvert avec en plus une mélodie pop tout aussi dégoulinante. Quel gâchis ! Force est de constater que bien souvent, dans les films, la musique produit des sortes d’indigestion.


Hideo Nakata, Dark Water, 2001, 101 minutes. Acteurs principaux : Hitomi Kuroki, Rio Kanno, Mirei Oguchi, Fumiyo Kohinata.

yiannis stefanakos faisant le dj dans un club à athènes