Bodies of Sound
Corps du son
L’expression est un paradoxe absolu. Conditions corporelles de l’incorporel. Le son, immatériel, tire pourtant son origine d’un corps très matériel. Là où l’on écoute — une voix, un groupe, un bosquet — c’est pour entendre les sons dans l’air, mais aussi l’entité qui les a produits. Cette notion de corps accorde une cohérence aux sons. Alors, quand on met un disque, ou quand on se promène dans une vieille maison, on sait ce à quoi tendre l’oreille. À cet égard, le corps devient un concept très élastique : le vent est donc un corps, la foudre aussi. Maints corps de son peuvent occuper le même espace en même temps, apparemment. Notre écoute les reconstruit virtuellement. On pourrait même entreprendre de compiler une taxonomie. Mais selon quels critères établir un ordre dans les corps de son ? L’écoute nous dit où les corps se trouvent.
Bodies of Sound
The phrase an utter paradox. Corporeal conditions of the incorporeal. Sound the immaterial; and yet, originating from some very material body. Where we listen—a voice, a band, a grove of trees—is to hear both the sounds in the air and the entity that produced them. This notion of bodies grants coherence to the sounds. So when we put on a record, or walk through an old house, we have some sense of what to listen for. In that respect, body becomes a very elastic concept: the wind is thus a body, so is lightning. Many bodies of sound can occupy the same space at the same time, it turns out. Our listening reconstructs them virtually. One could even undertake to compile a taxonomy; though by what criteria establish an order in the bodies of sound? Listening tells us where the bodies lie.
Illustration : Florence Albrecht, Corps sonore, 2018.