Fritons à El Olivo

 In Chroniques, Resto

Avec la faim qui grouille après un bon apéro, le poids des visites dans les pattes, une envie pressante de se soulager, la nuit tombée, le temps qui tourne, dans une ville qu’on connaît pas, chercher un resto qui propose des pizzas et des moules reste compliqué. Tourner à pied pendant 45 minutes. Trouver. Arriver devant : « Fermé pour travaux ». Tant pis, se rabattre sur un choix à proximité parce qu’il est déjà 21 h le 30 décembre, et avec le synchronisme atavique à la française pas sûr que les restaus servent encore longtemps. Un peu pressé pour l’assurance d’un plat chaud. C’est comme ça qu’on s’est retrouvé à El Olivo dans le quartier du Vaugueux. En remontant tout en haut de la mini-ruelle gourmande piétonne. On a pénétré sous la bâche type brasserie parisienne de la terrasse pour s’engouffrer à l’intérieur. Une serveuse nous a conduits, après un dédale en forme de boucle dans le restaurant, jusqu’à une table tout près de la baie vitrée et de la porte d’entrée. J’aime toujours bien avoir une vue du dehors quand je ne connais pas un endroit. Surtout quand il fait nuit. Avec les lumières, la brillance du verre, des verres, des bulles. Ça donne un côté festif qui tinte ! Surtout avec la lumière tamisée, les plantes et la déco sombre du resto.

Avec Y, on s’assoit souvent côte à côte. On aime bien. C’est différent pour parler. On est plus proche, on raconte pas les mêmes choses que si on est en vis-à-vis. Là, on s’assoit dos à la terrasse pour regarder le monde vivre à l’intérieur. Vie grouillante parlante : une tablée familiale à notre droite et du monde au fond. Un peu d’animation sonore. Comme c’est la veille du Réveillon, on aime bien voir autrui se réjouir. On commande un apéro parce qu’on sait qu’on fête déjà un peu notre Nouvel An. Réconfortés. On papote, on écoute ce qu’il se passe et on regarde la carte. Dans notre perspective critique fritière, ça nous semble une évidence d’en mettre au menu. Blabla blablabla et du temps qui passe. Elles arrivent ! On aime qu’elles soient servies chaudes quand elles viennent d’être faites. On les observe, on se prête de plus en plus au jeu de goûteur-critique. On prend une frite, on la regarde, la croque. On annote (sur un p’tit calepin) : élégamment poutrées, élégantes, bien charpentées, double cuisson, hmm, chaud, gras convivial, de bon aloi, faites maison… croquantes. Charnues et consistantes, de bon maintien et gabarit moyen. On joue au spécialiste évaluateur, on se gausse, on fait les gourmets fins connaisseurs ! On ironise un peu de se prendre au sérieux de cette mission inventée avec du sel plein les doigts. Les frites sont « un peu cartonnées » (dans le sens positif), dorées mais pas carbonisées, rien de dur. Mon complice de tablée, lui, regrette que les frites d’un resto soient servies dans une panière miniature imitation inox, représentation du bac de friteuse modèle réduit qui relève du gadget et ne garde pas le chaud. Il est aussi attentif au fait qu’aucune sauce ne soit proposée à l’accompagnement sinon le sel et le poivre sur la table. J’ai pas l’œil pour ça. En plus elles sont déjà juste bien salées. Je suis pas pour les petites sauces en sachet, ce qui ne lui a pas manqué non plus. Simplement il a l’« œil du critique » qui établit des mesures, des attentions. On apprécie en finissant les portions de ne tomber sur aucun résidu, ni mini frites cramées et dures. Rien que de la frite de bon gabarit !

La soirée se poursuit en profitant de nos verres, de la vie du resto. On n’a pas forcément de discussion avec le personnel de cuisine parce que c’est un établissement étendu, avec du monde. Ceci dit on est parti faire une bonne nuit à l’Hôtel Saint-Étienne, style pension de famille-Commissaire Maigret-juste comme on aime, d’autant qu’on était presque tout seuls parce que c’était le 30 décembre. Tout le monde se réservant pour le lendemain. On est passé incognito.

Nadège Adam et Yvon Ôboa