Eric Bibb : Global Griot
Eric Bibb sur la piste des griots.
Il neige dehors. Le froid affiche ses traces à mes fenêtres et bientôt dans mon appartement. C’est toute la mélancolie dans ce qu’elle peut avoir parfois de lunaire, magique, qui s’installe. La neige a cette propension à faire rêver. Certes le paysage à l’extérieur est magnifique et me reviennent soudainement des bribes d’enfance, si loin du décorum féérique des flocons en Afrique de l’Ouest. STOP, EJECT and PLAY.
Global Griot, le dernier album du bluesman Eric Bibb, apportera un peu de chaleur en ce début de journée. Dès les premières mesures de « Gathering of the Tribes » c’est toute la poésie du continent majestueux qui ressurgit. Fort et mystérieux. Peuplé de légendes contées par les griots aux hommes assis en rond. Reviennent aussi, bien sûr, les images de ces pistes au sol rouge sang, de ces baobabs centenaires, de ce peuple souriant et spontané. Émotions garanties, sa majesté l’Afrique chante au travers de mes enceintes. La kora fredonne en harmonie avec la guitare du bluesman d’une même voix unie, des mélodies qui sont celles des racines retrouvées. Certes ce n’est pas une première tentative de rapprochement avec l’Afrique dans la carrière d’Eric Bibb, qui avait signé, après sa découverte du continent originel, de superbes collaborations. Je pense à l’album Jericho Road en 2013 qui succédait à un album avec Habib Koité Brother in Bamako en 2012. L’heure était aux retrouvailles avec mes ancêtres dixit le jeune homme 67 ans qui en paraîtra décidément toujours vingt de moins. Voici quelques propos qu’il confiait à RFI : « La première fois que j’ai foulé le sol africain, c’était dans le Nord, en Algérie, puis dans l’Est – au Kenya, en Tanzanie. D’emblée, j’ai éprouvé une certaine familiarité, avec les couleurs, les odeurs, la nourriture, raconte-t-il. Mais lorsque j’ai atterri au Mali, cette sensation s’est renforcée comme si j’étais chez moi, et que la terre parlait à mon esprit. Je suppose que mes racines proviennent d’Afrique de l’Ouest, du Sénégal ou de Gambie. Mes amis africains pensent même que je suis d’origine bambara… »
Toute la force de la musique d’Eric Bibb repose depuis toujours dans cette volonté de mixité des émotions. Un désir manifeste de transcender les genres, les passer à la moulinette pour en sortir une matière compacte bien à lui sur laquelle il peut improviser et introduire la notion de voyages musicaux. Dans un autre registre, des albums rares comme Beyond the Missoury Sky de Charlie Haden avec Pat Matheny ont ce pouvoir qui relève de la magie. Ce qui ressort également à l’écoute de Global Griot, ce sont les souvenirs des premières ouvertures entre le continent africain et les États-Unis au travers des collaborations entre le regretté Ali Farka Touré et les musiciens Ry Cooder et Taj Mahal, qui ne devaient attendre que cela quand on connaît leur musique. Mais que l’on ne se méprenne pas sur mes propos : Global Griot n’apporte peut être pas quelque chose de neuf dans le concept d’africanisme mêlé à la musique noire américaine, mais l’émotion est bien là. La sincérité également. N’est-ce pas ce que l’on attend de la musique après tout ? En ressort un album avec des climats, des couleurs qui vous sautent à la figure que vous connaissiez ou non l’Afrique. Ce disque est un périple à lui seul. En cela c’est un tour de force.
Il neige dehors, le froid affiche ses traces à vos fenêtres voire dans vos cœurs occidentaux. Je vous invite à prendre la piste des griots au travers des chansons de ce magnifique album.
Références
Global Griot, Eric Bibb — DFGCD 8810 — un CD Dixiefrog, 2018 / DFG010 en version LP.
Eric Bibb : voix & guitares
Au fil de cet album figurent les musiciens suivant : Kuku Ansong : trompette / Staffan Astner : guitare / Ulrika Bibb : voix / Sidney “Congo Billy” Watson : percussion / Ken Boothe : voix / Brett Brandstatt : guitar / Dalton Browne : guitare électrique / Glen Browne : basse / Michael Jerome Browne : harmonica, guitare, guitare 12 cordes & gourd banjo / Christer Bothén : donso n’goni / Sekou Cissokho : percussions / Solo Cissokho : voix & kora / Wayne Clarke : batterie / Sam Clayton : percussion / Drissa Dembele : balafon /Ed Epstein : saxophone baryton / Kahanga “Master Vumbi” Dekula : guitare / Olli Haavisto : pedal steel guitar / Tammy L. Hall : piano / Harrison Kennedy : voix / Habib Koité : voix & guitare / Mama Kone : percussions / Frans Krook : basse / André de Lang : voix / Gunnar Lidström : guitare / Per Lindvall : batterie /Christer Lyssarides : guitare électrique / Neville Malcolm : contrebasse & basse Fender / Ale Möller : trompette / Jesper Nordenström : piano, percussions & vibraphone / Mats Öberg : harmonica /Jerker Odelholm : basse / Paris Renita : voix / Paul Robinson : batterie / Owura Sax : saxophone ténor / Glen Scott : claviers / Stephen Stewart : piano & orgue / Linda Tillery : voix / Nicci Notini Wallin : batterie & percussion / Big Daddy Wilson : voix / Kwame Yeboah : batterie, guitare & voix
Chœur griot selon les morceaux : Sara Scott, Ulrika Bibb, Neville Malcolm, Mama Kone, Kwame Yeboah, Habib Koité, Glen Scott / Paris Renita / André de Lang
Disque 1
- Gathering of the Tribes (feat. Solo Cissokho)
- Wherza Money At
- Human River
- What’s He Gonna Say Today
- Brazos River Blues
- We Don’t Care (feat. Habib Koité)
- Black, Brown & White
- Listen for the Spirit
- Hoist up the Banner
- Mami Wata / Sebastian’s Tune (feat. Habib Koité)
- Send Me Your Jesus
- A Room For You
- Remember Family
Disque 2
- Race & Equality
- Grateful
- All Because
- Spirit Day (feat. Solo Cissokho)
- Let God
- Last Night I had the Strangest Dream
- Picture a New World
- New Friends (feat. Linda Tillery)
- Mole in the Ground
- Michael, Row da Boat Ashore
- Needed Time