Des harpes celtiques voyageuses

 In Chroniques

Ambre et le Harpinbag au Paraguay

Je m’appelle Ambre, j’ai treize ans. J’ai eu la chance de participer à un magnifique voyage au Paraguay, avec un groupe de harpistes. Je vais essayer de vous raconter cela par le menu.

Comment la harpe est entrée dans ma vie

J’avais quatre ans quand j’ai rencontré la harpe pour la première fois. Je ne m’en souviens plus très bien, c’est Maman qui m’a raconté. Une harpe trônait au milieu de la pièce lors d’une présentation d’instruments pour les petits à l’École de Musique. Je ne savais pas comment cela s’appelait, alors je disais que je voulais « ça »… mais personne ne voulait jouer de « ça », alors je ne voulais plus partir de la pièce ! Pourtant, je n’en avais jamais entendu jouer…

La professeure de harpe nous a invités à assister à un cours, et je suis restée à l’écouter pendant plus d’une demi-heure sans bouger. Un exploit pour moi à cet âge ! Jusqu’à ce que Maman comprenne bien que c’était visiblement important pour moi.

L’année suivante, j’étais encore trop petite pour entrer à l’École de Musique, alors pour mon anniversaire, maman a fait venir la professeure de harpe à la maison. J’étais heureuse comme tout. Et puis j’ai découvert Cécile Corbel [1], et je suis allée assister à un de ses concerts… Pendant des années, j’ai voulu avoir les cheveux longs, tout comme elle.

Aujourd’hui, ma harpe est un peu comme mon amie. Quand on est en voyage toutes les deux dans la voiture, j’aime bien dormir dessus. Elle a sa place dans ma chambre, j’y joue tout le temps, mais pas forcément ce qui est demandé ! La harpe, ça fait mal aux doigts, mais j’aime cela quand même, j’ai des réserves de pansements !

Ma harpe, la harpe

Cet instrument peut se jouer aussi bien en groupe qu’en soliste… La harpe celtique que je joue, dite aussi harpe à leviers, est plus petite qu’une harpe à pédales, celle que l’on voit dans les orchestres symphoniques. Elle a moins de cordes (la mienne en a trente-huit, contre quarante à quarante-sept pour une harpe à pédales), et a un son plus cristallin.  On peut faire des percussions sur la caisse, pour le rythme. On peut aussi lui faire sortir des sons « xylo », ou des harmoniques… ou utiliser la clé d’accord contre les cordes pour faire des bruits bizarres très drôles, plus métalliques et modernes, ou encore créer des ambiances fantomatiques…

En groupe, il y a plusieurs voix. Elles se répondent et se complètent. C’est aussi un peu plus rassurant pour les concerts. À l’École de musique, j’ai souvent joué en duo ou trio. J’ai découvert le jeu en grand groupe durant des stages avec François Pernel, professeur à Angers et également compositeur, à l’occasion du festival Harpes-en-Loire qu’il organisait. Et c’est là que j’ai rencontré le Harpinbag.

Harpinbag

Harpinbag est un groupe constitué des élèves de Aude Fortict, professeur de harpe à Marmande et Agen, dans le Lot-et-Garonne. Il existe depuis plusieurs années, et Aude avait déjà emmené ses élèves en Irlande, avant que je ne fasse la connaissance du groupe.

Aude Fortict et François Pernel | © Harpinbag

Les compositions de François Pernel constituent une bonne partie du répertoire du Harpinbag : ce sont des musiques modernes, faites pour les harpes à leviers. On n’est pas obligé de ne jouer que des chansons bretonnes ! J’ai ainsi appris les morceaux, et joué avec eux. Je retrouvais Aude et certains de ses élèves aussi en stage d’été, avec l’ensemble Pierre Taconné, à Marmande. C’est là que j’ai entendu parler du projet de voyage au Paraguay. C’était fou, mais Aude sait soulever des montagnes ! Pour ma part, c’était un petit peu plus compliqué puisque je vis bien loin de là… Aude accepterait-elle de m’emmener ?

Elle a accepté, parce que je connaissais déjà du monde et savais les morceaux. Mais à une condition : d’avoir un passeport dans les quinze jours, car le projet était déjà bien avancé. Nous étions un avant la date du départ, et ils en étaient à acheter les billets d’avion, d’où l’obligation d’avoir tous les numéros de passeports.

C’était le 31 juillet 2018. Se faire faire un passeport en quinze jours en août ? Avec un délai habituel de plusieurs mois, c’était mission impossible ! Maman a passé trois jours à chercher une solution, sans succès. Et puis, il y a eu un enchaînement de miracles : un rendez-vous dans une mairie qui se libère pour le lendemain matin, des dames très gentilles qui acceptent un dossier incomplet… et qui ont sûrement dû beaucoup motiver les lutins fabricants de passeports, parce qu’on a reçu un appel le 14 août : le passeport était prêt ! Aude a pu recevoir les données dans les temps… je pouvais partir : quel cadeau et quelle joie !

Les préparatifs

Le précieux sésame en main, je pouvais m’investir plus pleinement dans le projet. Les billets d’avion étaient à la charge des familles, mais il fallait trouver le financement pour le voyage des harpes, les déplacements en car, les repas, etc. C’était un gros budget.

Pour récolter de l’argent, le Harpinbag a organisé des événements comme des vide-greniers, beaucoup de concerts (en extérieur, sur des places ou des marchés, ou en intérieur, en salle ou dans des églises) pour essayer de vendre les deux CD qui avaient été enregistrés [2], une vente de muguet ou encore participé à l’organisation d’un festival. Une cagnotte en ligne a également été créée.

Nous avons vraiment eu peur de ne pas parvenir à récolter les fonds nécessaires. Le plus difficile a été d’organiser et de financer le transport transatlantique des harpes. Il n’y avait pas à tortiller, nous devions les emporter, car les harpes paraguayennes ne sont pas les mêmes que les harpes celtiques ou classiques. Dans tout le Paraguay, il n’y a que trois harpes classiques, dont une appartient à l’Orchestre Symphonique National du Paraguay. Et pas de harpe celtique ! D’ailleurs, c’était la toute première fois que des harpes celtiques avaient le droit d’entrer au Paraguay.

Pas facile d’embarquer vingt-cinq harpes, et surtout de trouver un transporteur qui veuille bien s’en charger. Il a fallu réfléchir au contenant, fabriquer les caisses, suffisamment solides et protectrices, s’entraîner à agencer les harpes dedans, certaines debout, d’autres la tête en bas. Finalement, les harpes sont parties quinze jours avant nous, en avion. Mais le stress n’est pas retombé de sitôt : les harpes ont été bloquées en douane…  Malgré tout, nous avons eu de la chance, elles n’ont pas été abîmées.

De notre côté, il nous a fallu nous préparer aussi. Déjà, en plus du répertoire habituel, il a fallu apprendre dans des délais très courts les morceaux composés pour l’événement. Un Magnificat de François Pernel, pour orchestre symphonique et ensemble de harpes, avec une soprano et un ténor. Une première mondiale. Mais le morceau dure vingt minutes, et j’avais onze pages à apprendre… Nouveau morceau aussi, celui composé par le professeur paraguayen, Marcos Lucena, intitulé Celta Guarani. C’est un morceau rapide. Il fallait absolument finir d’apprendre tout cela avant le départ des harpes. Aïe aïe aïe, les ampoules ! Je n’avais pas l’air fin au collège avec mes sparadraps à tous les doigts !

Et puis, en parallèle, nous avons eu aussi plein de choses à penser ! La santé d’abord : je me suis retrouvée dans un centre international de vaccination. Beurk, je n’aime pas les piqûres, mais on est prêt à tout pour partir au Paraguay. Ensuite achat de produits anti-moustiques, de l’huile essentielle de basilic contre la turista, Aude nous avait prévenu que nous aurions tous la colique à notre arrivée ! (Elle nous a fait peur pour rien, nous n’avons même pas été malades !). Ensuite, le dossier administratif, avec toutes les autorisations de sortie de territoires, autorisations d’hospitalisation en cas de problème, assurances, etc. Pauvre Aude, elle s’est trimballée avec un énorme classeur tout le voyage.

Enfin, la valise : c’était l’hiver là-bas, mais pas si froid que cela. Les cadeaux pour nos correspondants. Et presque le plus précieux : les robes noires de concert, au moins deux. J’ai mis tout cela dans une belle valise achetée pour l’occasion, vu que c’était mon premier voyage en avion. Et pour la reconnaître facilement, nous avons dessiné une harpe dessus…

Veillée d’armes la veille du départ à Marmande, petite crêperie avec Maman qui était peut-être bien aussi stressée que moi. Je n’ai pas beaucoup dormi. Le dimanche 7 juillet, six heures du matin, le gros car nous attend sur la place de Marmande. Je monte dedans, c’est le départ…

Le voyage

Notre voyage a duré au total trois semaines. Il a commencé à Marmande par 10 heures de car vers Madrid. Nous étions vingt-huit, dont vingt-cinq harpistes. Les grands jouaient à la belote, les petits parlaient ou écoutaient de la musique. Nous nous sommes arrêtés pour petit-déjeuner avec des pains au chocolat et des croissants. Pour une gourmande comme moi, ça commençait bien ! Nous avons passé la frontière sans souci et, arrivés à Madrid, nous avons attendu. Nous avions mis nos valises en cercle central, avec les deux harpes qui étaient du voyage et nous au milieu. Notre groupe ne passait pas inaperçu. Quand enfin l’heure du vol est arrivée, nous sommes montés dans l’avion, j’avais quand même bien peur. Le vol a duré 10 heures, en direction d’Asunción, capitale du Paraguay.

À l’arrivée, des parents de harpistes paraguayens, qui travaillaient à l’aéroport, nous ont aidés à passer la douane, alors cela s’est bien passé pour nous. Nous avons récupéré nos valises, et nous avons fêté ça avec les premières photos de notre groupe au Paraguay ! Nos familles d’accueil nous attendaient, certains avec des banderoles de bienvenue, c’était émouvant… Mais nous étions tous un peu intimidés. On a fait des photos avec nos correspondants que les adultes de notre groupe ont envoyées par WhatsApp à nos parents. C’est que de l’autre côté de l’océan, il y avait quelques mamans qui stressaient un peu !  Puis nous sommes partis, chacun dans nos familles d’accueil. Ma correspondante s’appelait Helen et on a commencé à parler dans la voiture. Sa famille hébergeait aussi Dalva, une des plus jeunes de notre groupe.  Ils nous ont fait visiter la maison, et nous ont installées dans une chambre. Le mur de la chambre était décoré avec une belle mention « Bienvenue Ambre et Dalva », c’était magnifique ! Le grand frère et la petite sœur d’Helen, Angel et Arianne, étaient impatients de nous rencontrer, parce qu’ils n’avaient jamais rencontré de personnes qui ne parlaient pas leur langue. Ils étaient curieux et timides en même temps, et c’était rigolo pour nous de nous sentir extra-terrestres.

Nous avons pris le petit-déjeuner. Chez eux, ce sont souvent des grands bols de yaourt légèrement sucré, où on peut tremper des biscuits. Nous avons passé la journée avec eux. Le soir, la glace avait fondu, merci Google Traduction ! Et vive les parties de cartes endiablées !

Pendant ce temps, les adultes réceptionnaient les harpes. Les caisses avaient été ouvertes à la douane, et les cartons étaient abîmés. Mais dans l’ensemble, les harpes n’avaient pas souffert. Les harpes ont été déballées, et confiées à l’orchestre symphonique national.

Il n’y avait plus qu’à réaccorder tout cela… Première répétition, dès le lendemain !

Le séjour

Le mardi 9 juillet était notre premier jour de répétition. Nous étions dans une salle de répétition de l’Orchestre Symphonique National à Asunción. C’est là que nous avons vraiment rencontré le groupe des harpistes paraguayens, Les Arpas Digno Garcia del CMML, et leur professeur Marcos Lucena. Marcos est gentil et il parle bien français.

Première répétition avec l’orchestre

Nous avons pu découvrir de plus près leurs harpes. Elles sont à peu près de la même taille que les celtiques. Les cordes bleues et rouges sont inversées : chez nous, les bleues sont les fa, et chez eux, les do. Les rouges sont les do chez nous et chez eux les fa. Les Paraguayens ne jouent pas comme nous, ils tirent les cordes avec leurs ongles alors que nous le faisons avec le bout des doigts. Nous, nous sommes toujours obligés d’avoir les ongles très courts, et eux ont les ongles longs. Ils ont même le droit de se les vernir ! Leurs harpes ne tiennent pas debout toutes seules : elles sont tenues, ou posées à l’horizontale. Elles ont des pieds hauts, et le son sort par en dessous, au lieu de sortir par-derrière pour nos celtiques. Elles n’ont pas de leviers. Les nôtres sont accordées en mi bémol majeur, les leurs sont accordées en fa majeur. J’ai essayé d’en jouer, cela fait encore plus mal aux doigts quand on n’a pas l’habitude, car les cordes sont plus rêches.

Eux aussi étaient impressionnés par nos harpes et les ont prises en photo… ils ont essayé d’en jouer également : assez drôle et tout aussi difficile pour eux.

Nous avons commencé la répétition directement ensemble, mais chaque groupe de part et d’autre de la salle, car nous ne jouions pas les mêmes voix. Cinquante-cinq harpes ensemble dans une même pièce, c’est impressionnant !

Le midi, nous allions manger dans un restaurant-self à côté du lieu de répétition. La nourriture n’était pas si différente de chez nous, il y avait des nuggets de poulets énormes, grands comme la main. La serveuse a même demandé à faire un selfie avec nous : c’est que là-bas, nous étions des célébrités !

Le soir, retour dans la famille d’accueil. La maman d’Helen nous a mitonné un plat typique paraguayen : un rôti d’agneau, accompagné de pommes de terre et de tomates… mais à cause de Google Traduction, nous avons cru au départ que c’était de l’ours… Nous en avons tous bien ri !

Le lendemain, répétition encore, tous les harpistes ensemble. C’est le jeudi que les choses se sont corsées : répétition avec l’Orchestre national. Plus de cent musiciens sur le plateau, c’était impressionnant… Mais parfois, quand les harpes ne jouaient pas, le temps a paru long. Avec le décalage horaire en plus, une de nos petites s’est endormie sur sa harpe ! Les pauses de midi étaient parfois plus courtes… ça devenait alors pique-nique pour tout le monde, partagé avec les Paraguayens. Nos adultes accompagnateurs faisaient les courses pour ravitailler le régiment. Ambiance conviviale assurée !

Cela s’est poursuivi ainsi pendant 10 jours. Nous avons préparé 3 concerts. Le dernier était avec l’orchestre, le mercredi 17 juillet.

Les concerts ensemble

Concert du 15 juillet

Nous avons donné trois concerts. Le premier samedi, nous avons joué cinq minutes devant le président de la République du Paraguay, sur un grand podium, en face de la tribune officielle, à l’occasion de l’ouverture de l’Exposition Nationale 2019. C’était très impressionnant. Il y avait des écrans géants, des lasers. Nous attendions à côté de la scène avec les harpes, et ils ont fait exploser le feu d’artifice juste au-dessus des harpes et de nos têtes. Pour les têtes, ce n’était pas grave, mais nous avons eu peur pour nos harpes ! Nous avons joué Carreta Guy, de José del Rosario Diarte. C’est un morceau très joyeux, rapide et entraînant, que les Paraguayens surnomment « l’hymne national des harpes ». Le plus difficile a été de placer les cinquante-cinq harpes sur la scène à toute vitesse, car plusieurs groupes s’enchaînaient. Il paraît que ça a bien donné. Pour l’occasion, les harpistes paraguayens ont offert à tous les harpistes français une tenue de concert comme la leur, pour harmoniser le groupe. C’était un beau cadeau, ils s’étaient renseignés pour nos tailles en douce, et nous avons pu rapporter notre tenue en France en souvenir.

Le lundi suivant, c’était un concert rien que de nous, les deux groupes de harpistes. Une rencontre « Celta-Guarani », au théâtre municipal d’Asunción. Chaque groupe a joué son répertoire, et nous avons joué nos morceaux communs au milieu.

Le plus gros concert était le mercredi 17 juillet. Celui avec l’orchestre symphonique, et la création mondiale du Magnificat de François Pernel. Aude était un peu contrariée parce que les harpes ont été placées derrière l’orchestre. Elle aurait préféré que nous soyons davantage mis à l’honneur, devant. Les harpes sont des instruments qui ne jouent pas très fort, cela peut être problématique, il faut beaucoup de micros pour entendre un groupe de harpes.

Mais le concert s’est bien passé. Il a été diffusé en direct sur la chaîne Facebook de l’orchestre, nous étions très fiers ! J’ai bien aimé jouer avec un orchestre symphonique, c’est impressionnant. Tant de gens réunis pour faire de la musique !

Tout cela a donné parfois des situations cocasses… Ainsi pour les répétitions, nous étions amusés de voir les différences entre nos deux professeurs. Aude est très carrée pour mener son petit monde, Marcos est moins pointilleux. Les Paraguayens n’ont visiblement pas le même sens de l’heure. Le matin, les Français étaient tous présents à huit heures pour accorder les harpes, les Paraguayens arrivaient (ou nous faisaient arriver) en retard… et cela commençait rarement à l’heure !

Pour le départ vers le théâtre municipal, les minibus ont emporté les harpes, et le temps qu’ils reviennent, nous nous sommes retrouvés à attendre sur le trottoir avec vingt-cinq pupitres. Pas très discrets.

Lors du concert avec l’orchestre, à la fin, on devait rejouer les morceaux paraguayens, comme l’hymne national. Et pour cela, mettre par-dessus la robe noire la tenue traditionnelle paraguayenne… Certains d’entre nous n’ont eu le temps de l’enfiler qu’à moitié, alors ils ont joué avec juste un bras, une épaule enfilée, on a bien ri ! Mais chut, cela ne s’est pas vu dans la vidéo !

Le lendemain, ré-emballage des harpes…

Nous avons ensuite pu bénéficier d’un peu de repos avec notre famille d’accueil et profiter du tourisme, mais sans nos camarades paraguayens qui ont dû reprendre le chemin de l’école, malheureusement…

Le vendredi, nous sommes allés au lac d’Aregua. Et le dimanche, départ pour notre grande expédition : direction l’Argentine en car, pour les chutes d’Iguazu ! Iguazu, cela veut dire « Grandes eaux » en guarani, et aucun instrument n’est plus approprié pour jouer la musique de l’eau que la harpe. Alors c’était vraiment incontournable. Nous avons passé la journée du dimanche en car, et avons fini la journée par un bain de minuit dans la piscine de l’hôtel !

La randonnée dans le parc d’Iguazu à la rencontre de ces magnifiques chutes, grandiose, inoubliable ! Quel grondement ! Beaucoup de papillons sur le chemin… La harpe n’a-t-elle pas la forme d’une aile de papillon ?

Nous rentrons le soir à l’hôtel, exténués mais avec des images splendides plein la tête. Le lendemain, déjà, le retour vers le Paraguay, puis ensuite, ce sera vers la France.

La cuisine paraguayenne

Je n’ai pas été très choquée de la différence de cuisine par rapport à chez nous. Les parents de mes amies correspondantes nous emmenaient dans des pizzerias ou au McDo ! Le fromage que nous mangions souvent s’appelle le mixo. Les adultes de notre groupe ont été plus explorateurs de la cuisine traditionnelle paraguayenne. Je laisse donc la parole à Michel.

La cuisine paraguayenne s’apparente à la cuisine de l’Argentine du Nord, avec beaucoup de viande grillée (bœuf, poulet, porc), accompagnée de patatas, de manioc et de légumes genre tomates. Le manioc frit est très bon. Dans les plats plus élaborés, on trouve les empanadas, sorte de chaussons salés, fourrés de divers ingrédients : viande hachée, poulet, légumes… plus ou moins épicés. La chipa guazù est une entrée (voir « quelques recettes » plus bas, ndlr). Elle se prépare avec des épis de maïs décortiqués, du fromage, des œufs, de l’huile et du lait. Le dulce de leche est un dessert. On en trouve partout en magasin, dans les rues, etc.
Il y a aussi des ragoûts et des sortes de garbures mais à base de poulet et de boulettes de farine de maïs, du nom de vori-vori. La cuisine paraguayenne ne comporte pas trop de poisson, sauf le surubi, qui est un gros poisson-chat que l’on trouve dans le Río Paraguay.
Côté boissons, le maté est une infusion à base de thé et d’herbes diverses qui soulagent tous les maux, et sa version froide s’appelle le téréré… 40°C n’est pas si rare en été chez eux ! La bière se boit plus quotidiennement que le vin, qui est souvent en provenance de l’Argentine ou du Chili.

Notre voyage était en été chez nous, mais en hiver pour eux. Nous avons mangé beaucoup de viande, de pain et de féculents. Nos estomacs avaient un peu hâte de retrouver les melons et les fruits en rentrant chez nous. La saison des fruits pour eux, est à Noël. Nos correspondants nous ont envoyé plein de photos avec des crèches décorées d’ananas, de pastèques, de bananes, d’oranges et de fruits de la passion.

Les chutes d’Iguazu

La suite du voyage

La séparation d’avec notre famille paraguayenne a été difficile. Nous avons tous pleuré à l’aéroport ! J’ai gardé contact avec Rebecca et Helen, mes deux correspondantes. On s’écrit souvent par WhatsApp, j’ai hâte de les retrouver. Ce projet étant un échange, les harpistes paraguayens viendront en France durant l’été 2021. Au départ, c’était prévu pour 2020, mais c’était trop court pour les Paraguayens puissent s’organiser, et surtout pour trouver le financement pour venir et nous pour les recevoir !

Pour préparer leur venue, le Harpinbag continue d’organiser des événements, de jouer des concerts, et de vendre des CD. Nous espérons pouvoir leur préparer un beau programme, mais cela va être difficile de rivaliser. Nous avons joué devant le Président de la République paraguayenne, mais je doute que le Président de la République française accepte de nous écouter. Pour notre voyage, toutes les demandes de financement ont été déboutées… car notre projet n’entrait dans aucune case : parfois c’était parce que nous étions trop jeunes, parfois au contraire, c’est parce qu’il y avait des majeurs dans notre groupe. Les subventions locales ont été refusées, car nous venons de plusieurs régions ou départements différents. Et pourtant, la harpe celtique fait bien partie aussi de la culture française ! Si aucune subvention culturelle ne nous a aidés pour partir, alors que nous étions reçus en fête là-bas, en trouverons-nous pour recevoir nos amis paraguayens aussi bien qu’ils nous ont reçus ?

Quels concerts pourrons-nous organiser pour eux, pour qu’ils puissent montrer leurs talents et faire connaître leur harpe ?

Nous avons joué avec un orchestre symphonique national… Un orchestre symphonique, même pas national, acceptera-t-il de jouer avec nous ? Un orchestre symphonique avec cinquante-cinq harpes… c’est une si belle expérience, ce n’est pas tous les jours. Pourrons-nous encore créer d’autres morceaux pour l’occasion ?

J’espère si fort que oui… Si des musiciens lisent cet article et qu’ils sont intéressés à participer à notre projet, qu’ils n’hésitent pas à nous faire signe !


Quelques recettes

Chipa Guazú

La chipa guazú (parfois orthographié chipa guasú) est une des nombreuses variétés de chipa (pain ou gâteau) consommées par les Paraguayens. Elle se prépare avec des grains de maïs frais, du fromage, des œufs, de l’huile et du lait.

Pour 6 personnes

Ingrédients
8 épis de maïs décortiqués | 4 œufs | 120 mL de lait | 120 mL d’huile de tournesol | 2 petits oignons hachés | 300 g de queso paraguayo (fromage du Paraguay) | ½ cuillère à café de sel | Poivre
Matériel
Robot culinaire | Moule à gâteau carré (20 cm)

Instructions
1. Préchauffer le four à 200°C.
2. Hacher le maïs jusqu’à ce qu’il atteigne la consistance de flocons d’avoine.
3. Chauffer 3 cuillères à soupe d’huile dans une poêle et faire revenir les oignons pendant 5 minutes ou jusqu’à ce qu’ils deviennent translucides.
4. Dans le bol d’un robot culinaire, à l’aide de l’ustensile mélangeur, mélanger les œufs, le lait, le fromage, les oignons, le sel et le poivre (au goût) jusqu’à une consistance lisse et légèrement mousseuse.
5. Ajouter le maïs haché ainsi que l’huile restante et bien mélanger.
6. Graisser un moule carré de 20 cm et y verser le mélange.
7. Enfourner et cuire pendant environ 30 à 40 minutes ou jusqu’à ce qu’il soit doré.

Auteur | Sabrina Gérard

Vori Vori de Pollo

Le vori vori de pollo est une délicieuse soupe de poulet épaisse, avec des boulettes de maïs et de fromage, qui est traditionnellement servie pendant les mois d’hiver au Paraguay.

Pour 6 personnes

Ingrédients
3 poitrines de poulet très émincées | 3 hauts de cuisse de poulet désossés, finement émincés | 1 gros oignon coupé en dés | 4 cébettes coupées en rondelles | 1 poivron vert coupé en petits dés | 2 tomates pelées, épépinées et coupées en petits dés | 200 g de potiron , coupé en petits dés | 1 carotte coupée en petits dés | 2 feuilles de laurier | ¼ cuillère à café de cumin | Sel | Poivre fraîchement moulu | 6 cuillères à soupe d’huile 250 g de farine de maïs | 150 g queso paraguayo (fromage du Paraguay) râpé | 3 L d’eau (environ)

Instructions
1. Chauffer l’huile dans une marmite et y faire sauter tous les morceaux de poulet jusqu’à ce qu’ils soient bien dorés.
2. Retirer le poulet et, dans la même huile, faire revenir l’oignon, les cébettes, et les tomates. Saler, poivrer, et bien mélanger.
3. Ajouter le potiron, la carotte et, cuire à feu moyen pendant quelques minutes en remuant régulièrement.
4. Ajouter le poulet, l’eau, les feuilles de laurier, le cumin, et le poivre moulu.
5. Bien remuer et rectifier le sel. Faire bouillir à feu moyen / doux pendant 45 minutes.

Pour les boulettes :
1. Dans un récipient, placer la farine de maïs et le fromage. Ajouter environ 2 cuillères à soupe du bouillon en train de cuire et préparer une pâte qui se décolle des parois du récipient. La pâte ne doit pas être trop dure.
2. Former des boules d’environ 3 cm et les ajouter dans la marmite avec le reste des ingrédients.
3. La cuisson des vori vori est semblable à celle des gnocchis : dès que les boulettes remontent à la surface, c’est prêt.
4. Éteindre le feu et laisser reposer pendant 10 minutes avant de servir.

Auteur | Kriszti Terei-Vigh


[1] Cécile Corbel est une harpiste celtique française, auteure-compositrice-interprète, d’expression bretonne et japonaise, ndlr.

[2] Ces CD ont été enregistrés en 2015 pour Mélanges, et en 2017 pour Couleurs. Plus anciens que le projet Paraguay, ils regroupent des œuvres de François Pernel écrites pour le répertoire Harpinbag. On peut les acquérir au prix de 10€ directement auprès de l’association Harpinbag : Association HARPINBAG, 7 rue de la pépinière 47000 AGEN | asso.harpinbag@gmail.com – 06 82 81 46 10 | ou sur la boutique en ligne de Camac, fabricant de harpes, qui a accepté d’en être le relais.

Photographies : toutes les photographies sont © Harpinbag, sauf celles des recettes, qui proviennent du blog 196 flavors

légumes et mayonnaise sur un plan de travail, image en négatif couleur