Le « foutu poulet » de ma mère
Je ne sais pour quelle raison, ma mère a toujours versé dans les métaphores volatiles : « ma poulette » pour moi, « mon canard » pour mon frère, sans oublier le poussin, indistinctement.
C’est dire que quand il s’agit de les cuisiner, elle s’y connaît ! De forts nombreux gallinacés y ont laissé leur peau depuis que je goûte le poulet rôti de ma mère.
Pourquoi donc l’affubler d’un dépréciatif « foutu » ? Une vieille blague qui s’est transformée en expression familiale et ne se dépare plus du sacro-saint plat « au débotté » du dimanche. Pourtant, il est soigné le bougre. Gousse d’ail où il faut, échalotes pour le jus, sel, poivre, huile pour qu’il soit plus doré qu’un touriste revenant des Seychelles, la peau craquant fondant juste ce qu’il faut.
Accompagné de petits pois carottes dans mon enfance, de haricots verts ou de petites pommes de terre dans ses alternatives, voire même de chou romanesco en saison, ce fameux poulet rôti n’a rien d’un plat dilettante. Maîtrise de la préparation, de la cuisson, du tournemain, je n’ai jamais réussi à obtenir les mêmes saveurs.
Sans compter qu’il aurait fallu un poulet à 3 blancs, mon père, mon frère et moi-même étant à ce point exigeants ! L’un d’eux se sacrifiait souvent, attaquant la cuisse tenue d’une main ferme à l’aide d’un bon vieil essuie-tout.
La dégustation du moelleux du blanc, cuit mais jamais sec, la disputait au fondant sot-l’y-laisse et son traditionnel vœu de fin de repas, le sourcil froncé et la langue coincée au coin de la bouche comme pour y mettre plus de détermination.
Aujourd’hui encore le « foutu poulet » est au centre de repas chaleureux, ceux que je partage avec ma propre nichée, prolongeant ainsi une tradition culinaire maternelle simple mais jamais négligée.
Photographie d’illustration : (c) Public Domain Pictures, www.pexels.com