Nouvelles vies

 In Enseignement

Lorsque j’ai débuté en tant que formateur au CFA[1] de Groisy, près d’Annecy en Haute-Savoie, je ne pensais pas que cette nouvelle aventure professionnelle, après de nombreuses années passées en restauration, m’apporterait une nouvelle vision de mon métier.

À l’heure où les millenials ne veulent pas ou peu travailler, surtout avec les horaires et les conditions de travail rudes qui sont fréquentes dans l’industrie de l’hôtellerie-restauration, j’ai rencontré au CFA une communauté nouvelle, composée de jeunes migrants, le plus souvent mineurs. Des associations recueillent et s’occupent de ces jeunes sans attaches et que les sollicitudes de la vie ont projeté à des kilomètres de leur famille, lorsqu’il leur en reste.

Ces jeunes déboussolés dès les premiers jours de la rentrée (certains d’entre eux ne sont jamais allés à l’école) prennent petit à petit leurs marques au CFA, mais aussi dans les entreprises qui ont relevé le défi de les former et de les accueillir.

J’ai été très surpris par la rigueur du travail personnel de ces jeunes, tant professionnellement que dans l’apprentissage du français. Il faut dire que les formateurs sont très investis dans le travail de fond avec eux et ces jeunes apprentis nous le rendent bien. Ils tirent souvent les classes vers le haut car ils sont extrêmement motivés, très serviables et surtout respectueux des hommes et des institutions.

Les retours des professionnels sont dithyrambiques, car ces jeunes sont très travailleurs. Nous autres restaurateurs — ou autres professionnels des métiers de bouche — sommes conscients qu’ils peuvent nous apporter « les nouvelles forces vives » qui nous font tant défaut.

Un restaurateur m’a même appelé un matin pour savoir comment ces jeunes travaillaient et s’épanouissaient dans l’enceinte du CFA, car il était très content de son jeune. Malgré son scepticisme initial, il a engagé un deuxième apprenti d’origine extra-communautaire cette année et ce, à sa grande satisfaction, car cet autre jeune est tout aussi motivé, dévoué et travailleur. À bon entendeur… N’oublions pas non plus que nous leur devons, selon les conventions internationales, protection, assistance : un avenir, ici ou ailleurs.

Pour ma part cette expérience en tant que formateur m’apparait comme très enrichissante car elle me stimule à plusieurs titres. Ces jeunes sont ici pour apprendre un métier et mettre un pied dans notre civilisation. Ils influent directement sur notre inconscient : ils vont de l’avant et nous avec eux. Ils ont un avenir maintenant, c’est un véritable Graal pour eux. Pour nous, notre satisfaction la réussite de tous nos apprenants sans aucune dissension. Ces jeunes des quatre coins du monde ont un avenir ici, ou alors ailleurs, en retournant chez eux s’ils le souhaitent, mais avec un travail, un diplôme et un savoir-faire qu’ils ont acquis à la force de leurs mains et de leurs convictions.

Souhaitons-leurs bonne chance et soutenons-les dans leurs nouvelles vies épanouies.

Bon vent et bonne continuation à ces jeunes !


Photographies : Éric Planes | À lire sur le sujet : Emploi : les restaurateurs veulent embaucher des migrants, France 3 du 07/08/2018.

[1] Centre de Formation d’Apprentis, ndlr. Voir le site de celui de Groisy : http://www.cfa-groisy.com/

couverture noire avec deux photographies représentant Johannes brahms jeune et vieux.