Rabih Abou-Khalil : Al-Jadida
Sixième album de Khabih Abou-Khalil, Al-Jadida est le premier que j’ai entendu. Je suis resté saisi, le jeune homme de seize ans que j’étais n’avait jamais encore entendu pareille musique équilibriste et endiablée, et ce CD est resté en bonne place dans ma discothèque personnelle.
Al-Jadida, un fil tendu entre des mondes
Al-Jadida est un quintet singulier, doté d’une section rythmique remarquable : un percussionniste originaire de Madras, un percussionniste originaire de Madras encadrant un contrebassiste à la stabilité rythmique exemplaire. C’est d’ailleurs cette contrebasse, dans les mains de Glen Moore, qui fait le son si équilibré de cet enregistrement. Elle sert de basse, mais double parfois l’oud dans les graves amplifiant les motifs mélodiques. Au-dessus, dialoguent et s’unissent l’oud de Khabih Abou-Khalil et le saxophone alto de Sonny Fortune. Si l’on entend l’Orient dans les compositions du maestro, c’est un Orient recomposé par l’imaginaire d’un musicien nourri des traditions musicales libanaises et européennes, enrichi par les apports de ces acolytes. Le duo rythmique, composé de Nabil Khaiat et de Ramesh Shotam, étourdit de stabilité et d’inventivité : reqq, daf, batterie, ghatam, kanjira et moorchang* entrecroisent leurs sonorités de manière unique. Ces deux musiciens font vivre de manière exemplaire les motifs rythmiques complexes tissés par Khabih Abou-Khalil. Pour servir d’écrin à ce CD, le calligraphe beyrouthin Georges Ghantous a réalisé une pochette fascinante.
Trois bonnes raisons bonnes raisons d’écouter Al-Jadida
Tout d’abord, il s’agit d’un jalon dans l’histoire du jazz. Même si ce n’est pas le premier disque de Rabih Abou Khalil, c’en est le premier à véritablement véhiculer ce son unique forgé dans son imaginaire composite. Al-Jadida transcende les frontières musicales et n’est ni un collage ni une fusion.
La deuxième est que cet album est d’une homogénéité rare. Pas une seule composition ne se montre plus faible que les autres.
Enfin, Al-Jadida compte parmi les albums importants dans l’histoire de l’oud dans le jazz, histoire débutée en 1958 avec Jazz Sahara de Ahmed Abdul-Malik. Chef-d’œuvre d’inventivité, il est à garder à côté des albums de Munir Bachir, Anouar Brahem et Dhafer Youssef. Vous trouverez d’ailleurs un article très complet sur ce sujet sur le site de Sir Ali.
Références
Enregistré en octobre 1990
Saxophone alto : Sonny Fortune / Contrebasse : Glen Moore / Batterie et percussions d’Inde du Sud : Ramesh Shotham / Percussions : Nabil Khaiat / Oud et composition : Rabih Abou-Khalil
- Catania
- Nashwa
- An Evening With Jerry
- When The Lights Go Out
- Storyteller
- Ornette Never Sleeps
- Nadim
- Wishing Well
* Ndlr. Reqq et daf sont des percussions sur cadre du Moyen-Orient, la kanjira est également une petite percussion sur cadre mais du sud de l’Inde. Le Ghatam est quant à lui une percussion fabriquée en terre cuite et pourvue d’un large évent circulaire. Le moorchang est une guimbarde emblématique de la musique du sud de l’Inde.