Soup & Sound, concerts comme à la maison
Soup & Sound
Le ventre et l’oreille, j’ai le plaisir de vous présenter « Soup and Sound ». Série de house concerts lancée il y a dix ans, elle est produite par le percussionniste Andrew Drury et Alissa Schwartz, chez eux, à Brooklyn, dans le quartier de Prospect Lefferts Gardens. Au début, les concerts se tenaient tous les trois mois, à peu près, puis ils sont devenus bien plus fréquents. Hier soir*, c’était le 114e concert donné dans leur salon, salon que j’ai vu évoluer avant et après qu’un mur a été démoli pour élargir l’espace et accueillir un piano demi-queue, et au fur et à mesure que les bords et les moulures ont été finis et peints. J’y vais depuis au moins cinq ans, pour voir un sur deux ou trois des concerts qu’ils présentent. J’ai donc vu leurs enfants grandir, l’aîné part pour l’université bientôt. Le plus souvent, je ne goûte pas la soupe parce qu’à dix minutes à pied de là, je viens de dîner chez nous avec ma femme – que par habitude je n’encourage pas à se joindre à moi, tout simplement parce que c’est de la musique improvisée la plupart du temps et, bien… passons… Mais parfois c’est en fait mon dîner et depuis quelque temps je me suis dit que je devrais au moins essayer la soupe, on ne sait jamais quelles délices nous y attendent ; hier soir c’était un ragoût africain de poisson, un autre soir du chili, ou une concoction thaïlandaise avec du lait de coco, ou une soupe colombienne avec du bœuf et pommes de terre, ou encore un potage mystère d’invention « drurienne ».
Eh bien, n’étais-je pas censé dire quelque chose sur la musique ? Où commencer, si ce n’est par le fait que Andrew a pris la sage décision de créer une association pour parrainer les concerts ainsi que d’autres initiatives liées, dont un programme d’échanges culturels pour accueillir des musiciens venants de Colombie, d’Argentine, du Mexique, du Japon, et de partout en Europe pour improviser avec d’autres musiciens habitant à New York, ou dans d’autres coins d’Amérique ou ailleurs. Le premier concert que j’ai vu là était du guitariste Michael Gregory Jackson (premier disque, produit par le label ESP dans les années 1970, avec Oliver Lake et Leo Smith) avec le saxophoniste danois Simon Spang-Hanssen (qui enregistrait avec John Tchicai dans les mêmes années) et Andrew lui-même à la batterie (il participe à la moitié de ces soirées); hier soir, j’ai écouté la pianiste Angelica Sanchez, venue de Jersey City (mais de Phoenix, Arizona, à l’origine), avec le guitariste Omar Tamez, de Monterrey, au Mexique, et le batteur espagnol qui a vécu à Paris pendant longtemps, Ramón Lopez, tous de haute tenue. En tout cas, la musique qu’on trouve à Soup and Sound est toujours surprenante, bien accommodée, et peut vous porter très loin. Et si le temps est doux, à travers la fenêtre ouverte on aura une sorte de mixage inattendu soit d’une musique de fête quelconque soit des voisins joueurs de steel pan, qui n’ont sans doute aucune idée des enivrants mélanges improvisés ici dans ce salon.
(*) Lundi 3 décembre, ndlr
Soup & Sound
The Belly and the Ear, allow me to introduce you to Soup and Sound. Now in its tenth year, the house concert series produced by percussionist Andrew Drury and Alissa Schwartz in their Brooklyn home, in the Prospect Lefferts Gardens neighborhood, kept to a sporadic, almost quarterly schedule at first; then things accelerated. Last night was the 114th concert in their living room, which I have seen before and after a wall was knocked down to enlarge the space for the arrival of a baby grand piano, and gradually as the unfinished edges in floor and moldings got finished and painted. In the five or so years since I’ve been going, to one out of every two or three concerts they present, I’ve also seen their kids grow, the older one is soon off to college. More often, I don’t try the soup, because I’ve come from four blocks away and just eaten dinner at home with my wife, whom I don’t usually encourage to join me simply because it’s largely improvised music and, well, never mind; but sometimes that is indeed my dinner and for a while I’ve been telling myself I have to at least taste the soup since you never know, last night an African fish stew, another time chili, or a Thai coconut milk concoction, or Colombian with beef and potatoes, or some mystery potage of Drurian invention.
Oh, was I going to say something about the music? Where to start, except that Andrew has wisely set up a nonprofit foundation through which to host the series and a number of related ventures, and thus an ongoing program of cultural exchanges that has featured Colombian, Argentine, Mexican, Japanese, and European musicians improvising alongside local musicians and those from anywhere else in the States or beyond. So, the first concert I saw there was the guitarist Michael Gregory Jackson (his first record, with Oliver Lake and Leo Smith, released by ESP in the mid-1970s) with Danish saxophonist Simon Spang-Hanssen (who recorded with John Tchicai back in those same years) and Andrew on drums, who plays at maybe half of the evenings; last night I heard pianist Angelica Sanchez, who lives in Jersey City but is originally from Phoenix, alongside guitarist Omar Tamez, of Monterrey, Mexico, and the Spanish drummer Ramón Lopez, longtime resident of Paris, all artists who have long worked wonders. The music at Soup & Sound is always surprising, well seasoned, and likely to take you somewhere else. And if it’s warm enough out, through the open window the unintended collaboration of someone’s party music might drift in or else the steel pan players rehearsing next door, who are surely unaware of the heady blends being improvised right in this living room.