Une semaine déréférencée du ventre et de l’oreille

 In Chroniques

Genèse. Pour ce numéro thématique, l’équipe de Le ventre et l’oreille m’a confié la tâche de triturer un extrait du si connu Le Gai savoir du non moins connu Friedrich Nietzsche en nouveauté anagrammatique ! J’ai accepté. J’ai été aux fourneaux. L’extrait est puissant et dit ceci :

Les esprits les plus forts et les plus méchants ont jusqu’à présent fait faire les plus grands progrès à l’humanité : ils allumèrent toujours à nouveau les passions qui s’endormaient – toute société organisée endort les passions, – ils éveillèrent toujours à nouveau le sens de la comparaison, de la contradiction, le plaisir de ce qui est neuf, osé, non éprouvé, ils forcèrent l’homme à opposer des opinions aux opinions, un type idéal à un type idéal. Par les armes, par le renversement des bornes frontières, par la violation de la piété, le plus souvent : mais aussi par de nouvelles religions et de nouvelles morales ! La même « méchanceté » est dans l’âme de tous les maîtres et de tous les prédicateurs de ce qui est neuf, – cette méchanceté qui jette le discrédit sur un conquérant, même lorsqu’elle s’exprime d’une façon plus subtile, et ne met pas de suite les muscles en mouvement, ce qui d’ailleurs fait diminuer le discrédit ! Ce qui est neuf, cependant, est de toute façon le mal, étant ce qui conquiert et veut renverser les vieilles bornes et les piétés anciennes ; et ce n’est que ce qui est ancien qui puisse être le bien ! Les hommes de bien de toutes les époques ont été ceux qui ont approfondi les vieilles idées pour leur faire porter des fruits, les cultivateurs de l’esprit. Mais toute terre finit par être épuisée et il faut que toujours revienne le soc de la charrue du mal.

J’ai donc sélectionné et compté les lettres, J’ai assemblé le matériau. Je suis parti vers des ailleurs, des nouvelles zones de réflexion libre. Mon cerveau est parti à l’abordage d’un néant peuplé de l’être dont je suis en quête ; les anagrammes ont fusé au juste moment et les combinaisons m’ont fait voyager. J’ai pris leur accord comme point de désordre. Le résultat est ci-après.

Proposition au sud
Lundi offre soleil cantique du ciel à fêter en toute farce éventuelle à ensemencer quand la muse file la musique
Mardi pulpe idem où quelques oiseaux font risette totem, à tisser tout silence de neige bleue à inventer contes, comptes rebours, épiques
Mercredi sabre tout travail et postpose les cendres farniente à éparpiller sur quatre pistes de quilles où les petits poufs à coiffes
Jeudi tout jalon rêvant mille grammes de hasard au soleil à licencier Jupiter de son piédestal à battre cette campagne pour chasser les mythes
Vendredi sans toutes cristallisations, christ a passion à suivre comme voie libre lactée pour inventer fleurs et feuilles
Samedi soleil qui pulse liquide tout sens et sucs à vivre comme lumière, folle pirouette à être en mille quilles de rien
Dimanche soleil de la poule mousseuse toute aux pots à pondre univers sensoriels, odeurs à esquisser pour inventer le lundi
Nouvelles unités de vies qui en jettent sur nos mois, nos années
Quelles mers pépètes en idées ! Quels temps profonds !
Ce cantique de tous les cantiques septuplés
Et le monde naît, postprandial,
En été
En hiver
En automne
Et printemps
Un monde culte paysages cartes-lettres où le rien et le tout chantent l’arc-en-ciel d’accolade à l’unisson dans nos esprits, superforteresses en jeux.


Illustration : Hans Olde, Nietzsche.
The Miriam and Ira D. Wallach Division of Art, Prints and Photographs.